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FRAGMENTS

ce que Wedgewood a réalisé dans le domaine de l’art anglais. Il a comme les Anglais un goût naturellement économique, un goût noble conquis par l’esprit. Ceci s’accorde parfaitement et s’apparente étroitement avec le sens de la chimie. On voit, par ses études sur la physique, qu’il aime mieux rendre parfaite une chose insignifiante, lui donner l’éclat et le poli suprême, que d’entreprendre une grande œuvre, et de faire quelque chose dont on sait d’avance qu’on ne l’achèvera pas, qu’elle demeurera informe, et qu’on ne la mènera jamais à une perfection magistrale.

Wilhelm Meister est, jusqu’à un certain point, complètement prosaïque et moderne. Le romantique y périt, de même que la poésie de la nature et le merveilleux. Le livre ne parle que de choses ordinaires ; la nature et le mysticisme sont entièrement oubliés. C’est une histoire bourgeoise et familière, poétisée. Le merveilleux y est expressément traité de poésie et de chimère. L’athéisme artistique, voilà l’esprit du livre. Mais l’économie du livre est remarquable, car, par son sujet prosaïque et vulgaire, il produit un effet poétique.

Wilhelm Meister est en somme un Candide dirigé contre la poésie. Le livre, en son esprit, est impoétique à un haut degré, quelque poétique que soit son exécution. Après la flamme, la folie, et les apparitions farouches de la première moitié