Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
FRAGMENTS

son. Elle est formée de deux choses qui semblent opposées : de vérité supérieure et d’illusion agréable.

Il est très compréhensible que tout finisse par devenir poésie. Le monde ne finit-il pas par devenir âme ?

On peut traiter poétiquement des occupations les plus ordinaires. Il faut, pour entreprendre cette transformation une profonde méditation poétique. Les anciens l’ont admirablement compris. Comme ils décrivent poétiquement les herbes, les machines, les maisons, les ustensiles, etc. ! Un certain archaïsme du style, une juste disposition et ordonnance des masses, une discrète nuance d’allégorie, une certaine étrangeté, une certaine attention et un certain étonnement qui perce sous l’écriture ; voilà quelques-uns des secrets de cet art, dont j’ai besoin pour mon roman bourgeois.

Il faut qu’on se spiritualise par une méditation libre et incessante. Si l’on n’a pas le temps de contempler, de méditer librement, de parcourir avec calme et d’examiner les dispositions et les émotions diverses, la fantaisie, la plus féconde même, s’endort, et la diversité intérieure prend fin. Rien n’est plus utile au poète qu’une contemplation rapide des nombreux objets de l’uni-