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LES DISCIPLES À SAÏS

qui s’est isolé et qui a fait une île de lui-même ; et les efforts sont nécessaires. Ceci ne peut arriver qu’aux enfants, ou aux hommes semblables aux enfants, qui ne savent ce qu’ils font. Un long et infatigable commerce, une libre et sage contemplation, l’attention portée aux moindres signes et aux moindres indices, une vie interne de poète, des sens exercés, une âme pieuse et simple, voilà les choses essentiellement reprises du véritable amant de la Nature, et sans lesquelles nul ne verra prospérer son désir. Il ne semble pas sage de vouloir pénétrer et comprendre un monde humain, sans avoir développé en soi une parfaite humanité. Il ne faut pas qu’un seul sens sommeille, et si tous ne sont pas également éveillés, il importe que tous soient excités et qu’aucun d’eux ne demeure opprimé ou ne soit énervé. De même que nous voyons un peintre futur en l’enfant qui couvre de dessins les murailles et le sable, et qui lie la couleur aux contours, de même on aperçoit le philosophe futur en celui qui sans trêve poursuit les choses naturelles, les interroge, prend garde à tout, compare entre eux les objets remarquables et est heureux lorsqu’il est devenu maître et possesseur d’une science, d’une puissance et d’un phénomène nouveaux.

Maintenant, il semble à quelques-uns que ce n’est pas la peine de suivre les subdivisions infinies de la nature ; et que d’ailleurs c’est une entreprise dangereuse sans fruit et sans issue. On ne découvrira jamais le grain le plus petit des corps fermes, ni la fibre la plus tenue, attendu que toute grandeur se résout, soit en avant,