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LES DISCIPLES À SAÏS


et versèrent des larmes. Rosenblütchen s’enferma dans sa chambre et y pleura amèrement. Hyacinthe, à travers les vallées et les déserts, par les torrents et les montagnes, se hâta vers la terre mystérieuse. Il demanda aux hommes et aux bêtes, aux rochers et aux arbres le chemin qui menait vers Isis, la déesse sacrée. Plusieurs se moquèrent de lui, d’autres gardèrent le silence, et nulle part il ne put obtenir de réponse. D’abord il traversa des terres sauvages et désertes. Des brumes et des nuages lui barrèrent la route ; et les tempêtes ne s’apaisaient jamais. Ensuite, il trouva des déserts sans limites, et des sables incandescents. Tandis qu’il s’avançait, son âme se transformait aussi. Le temps lui sembla long, et l’inquiétude intérieure s’apaisa. Il s’adoucit ; et la sorte d’angoisse violente qui le poussait, se changea peu à peu en un désir discret mais fort où toute son âme se fondait. On eût dit qu’un grand nombre d’années s’étendaient derrière lui. Maintenant, les paysages redevinrent plus variés et plus riches, les ciels plus tièdes et plus bleus et les chemins moins durs. Des bosquets verdoyants l’appelaient sous leurs charmants ombrages ; mais il ne comprenait pas leur langage. D’ailleurs, il ne semblait pas qu’ils parlassent, et cependant, ils remplissaient son cœur de colorations vertes et d’une essence calme et fraîche. De plus en plus haut s’élevait en lui ce doux désir, et de plus en plus débordantes de sève s’élargissaient les feuilles. Les oiseaux et les bêtes devenaient plus bruyants et plus joyeux, les fruits plus balsamiques, l’azur du ciel s’alourdissait, l’air devenait