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LES DISCIPLES À SAÏS

carte de la Nature ? Il les comparera entre eux, et cette comparaison nous apprendra d’abord à connaître la terre singulière. Mais la connaissance de la Nature différera encore immensément de l’interprétation qu’on en aura. Le mathématicien proprement dit parviendra peut-être à susciter en même temps un plus grand nombre de forces de la Nature, à mettre en mouvement des phénomènes plus grandioses et plus utiles, il pourra jouer de la Nature comme d’un gigantesque instrument ; et cependant, il ne la comprendra pas. Ceci est le don de l’historien de la Nature, le don du voyant des temps ; de celui qui, connaissant l’univers, cette scène supérieure de l’histoire naturelle, observe la signification des choses et l’annonce d’avance. Ce domaine est encore inconnu et sacré. Seuls, des envoyés divins ont laissé tomber quelques paroles qui appartiennent à cette science supérieure, et il faut s’étonner que des esprits pleins de pressentiments aient négligé ces pressentiments-ci et aient voulu rabaisser la Nature à n’être qu’une machine uniforme, sans passé et sans avenir. Tout ce qui est divin a une histoire, et la Nature, le seul tout auquel l’homme puisse se comparer, ne serait pas, aussi bien que l’homme, comprise dans une histoire, ou, ce qui revient au même, n’aurait pas un esprit ? La Nature ne serait pas la Nature si elle n’avait pas d’esprit, elle ne serait pas cette unique contre-épreuve de l’homme, elle ne serait pas l’indispensable réponse à cette question mystérieuse, ou la question de cette réponse infinie.