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scientifique, ce que chacun aperçoit mille fois par jour sans y faire la moindre attention.

Qu’est-ce que la vie sociale, en dernière analyse ? Un ensemble d’actions opérées par un certain nombre d’individus. Or, l’homme, pour exercer une action, doit avoir auparavant une représentation. Prenons l’exemple le plus vulgaire. Un individu, habitant à Paris, au boulevard des Italiens, va se promener au bois de Boulogne. Décomposons ce fait. Il n’est possible qu’à une condition : c’est que notre Parisien ait la représentation du bois de Boulogne. S’il ne l’a pas, l’idée d’aller se promener dans ce bois ne peut pas lui venir. Ainsi donc les mouvements physiologiques, accomplis par notre Parisien en parcourant le bois de Boulogne, n’ont pu s’effectuer que s’ils ont été précédés de certains mouvements psychiques (la représentation du bois). Tout ce qui devient ensuite action a été auparavant représentation interne, idéal. Voilà, certes, des vérités banales que nul ne pourra contester. Assurément, on observe dans la nature des mouvements biologiques qui semblent comporter des fins utiles et qui sont inconscients. Mais d’abord, même ici, les mouvements musculaires, qui exercent une action extérieure, sont précédés de mouvements ganglionnaires qui, quoique inconscients, sont cependant des mouvements du système nerveux. Même pour les êtres inconscients, la vérité reste inébranlable : toute action externe est précédée de mouvements psychiques, si embryonnaires soient-ils. Pour l’espèce humaine, les mouvements qui aboutissent à des actes sociaux sont conscients ; les sociétés humaines vivent par un ensemble de rapports interpsychiques.

À un autre point de vue, on peut dire aussi que les sociétés vivent par l’organisation, par le fonctionnement des institutions collectives. Les mots organisation, institution, se ramènent, en dernière analyse, à des ensembles de mouvements. Par exemple, dans une monarchie absolue, les ministres se rendent chez le monarque, lui expo-