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Un journal anglais The Lancet rapporte qu'un barbare mari du XIIIe siècle ne trouva rien de mieux pour punir sa femme que de la comprimer entre deux étaux qui l'empêchaient de reprendre souffle. D'autres maris suivirent bientôt ce terrible exemple et enfermèrent leurs femmes dans ces prisons portatives. Les femmes ne voulurent pas céder, s'habituèrent par coup de tête, et petit à petit à leur carcere, le modifièrent, et d'une punition barbare firent, par esprit de contradiction et pour se conformer aux lois de la mode, le corset que portent maintenant, sans en vouloir reconnaître les inconvénients, grandes dames comme femmes du peuple.

Cette légende qui fait honneur à l'imagination de son auteur aurait plus d'apparence de vérité si l'existence de ce « barbare mari » était placé au XVIe siècle. C'est en effet à Catherine de Médicis que l'on attribue généralement le premier usage des corps à baleines juxtaposées 'dont les modes italiennes lui fournirent le modèle ou l'idée.

Le secrétaire de Jean Lippomano, ambassadeur vénitien auprès de Charles IX, décrivant dans ses relations de voyage, les costumes de la cour de ce prince s'exprime ainsi : « Par dessus la chemise les femmes portent un buste ou corsage qu'elles appellent corps piqué qui leur donne du maintien, il est attaché par derrière ce qui avantage la poitrine »

L'idée des corps fut malheureuse en ce qui concerne le mode d'exécution. Au lieu de s'adapter au corps, d'en suivre les formes, de se plier à ses mouvements comme les corsages souples qui l'avaient précédé, ce nouveau vêtement devint un moule inflexible qui, forçant les contours naturels, leur imposait une forme de convention quelle que fut leur configuration propre, et s'opposait comme un étui rigide aux moindres variations de volume et de situation des organes, d'où des pressions exagérées au dehors, des refoulements au dedans,incompatibles avec l'intégrité et le jeu régulier des fonctions. Aussi les corps à baleines soûle vèrent-ils dès leur apparition le blâme des hommes les plus éclairés. Leur carcasse solide,terminée au-dessus des crêtes iliaques, en forme de cône tronqué, resserrait les flancs avec d'autant plus d3 force que les femmes exerçaient plus de constriction dans ce point afin de faire ressortir davantage les hanches, et Montaigne nous apprend, dans ses Essais, qu'il en résultait souvent de (profondes excoriations. « Pour faire un -corps bien espagnole (mince comme une Espagnole), dit l'illustre écrivain, quelle géhenne (torture) ne souffrent-elles (les femmes), guindées et cen-