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VII

charmants ? Les créatures d'élection peuvent tout hasarder, et, sous le Directoire, Theresa Cabarus, ex-noble, femme de révolutionnaire et future princesse, fut exquise en ressuscitant les draperies antiques, que, avec la sûre connaissance de ses charme? plastiques, elle transformait, d'ailleurs, en déshabillé galant. Mais nous, spectateurs de la vie contemporaine, nous sommes bien obligés d'être les défenseurs du corset et du costume actuel. C'est encore celui-là qui peut nous donner le plus d'illusions, en se prêtant le mieux aux ingénieuses dissimulations indispensables. Quel que soit le paradoxe apparent, la meilleure façon d'aimer la femme, c'est encore de lui demander de souffrir un peu, pour que nos yeux continuent à être charmés et pour qu'elle garde tout son prestige. Je parle, naturellement, de la façon la plus générale, en passant de la rue. Et faut-il dire alors : « Gloire au corset, fût-il un engin martyrisant, qui nous épargne de pénibles contemplations, et la vue des ventres ballonnés, des poitrines trop opulentes ou illusoires, et qui nous dupe, bien que nous n'ignorions pas que nous soyons dupés ! Gloire à ces vêtements, tout en fioritures et merveilleusement truqués, qui remédient aux ravages physiques, qui vont fatalement avec l'excès de la civilisation. » La vraie manière du costume d'être esthétique, c'est, il faut bien l'avouer, d'être le plus fécond en artifices.

La femme, au reste, ne se laisse pas prendre aux leçons des hygiénistes, qui ne sont que des hygiénistes, si pressantes que soient leurs recommandations et si bien intentionnées soient-elles. Elle sait que sa force est dans ces sacrifices qu'elle s'impose, avec quelque héroïsme parfois. Il y a eu, de temps en temps, des ligues féministes pour la réforme du costume, plus libre, plus logique. Mais qui en étaient les fondatrices? Ou de très belles personnes, pouvant se donner le luxe de toutes les fantaisies, ou de vieilles Anglaises, n'ayant absolument plus aucune prétention et bravant le ridicule avec sérénité. Dans l'un et l'autre cas, elles étaient forcément peu suivies.

C'est avec la moyenne qu'il faut compter. Lai majeure partie des femmes a besoin, aujourd'hui, quoi qu'en disent les Académies et les Congrès, — dont beaucoup de membres ne parlent plus de la femme que spéculativement — de robes conçues avec quelque complication. Ce sont ces complications qui nous font trouver la Parisienne délicieuse dans son frou-frou.

Certaine de la gentillesse de son visage, qui est toujours piquant, comme elle se défend savamment pour la ligne du corps, souvent imparfaite, en défiant les investigations indiscrètes du regard ! Cette ligne sincère, où la retrouver, au milieu de tout cet appareil dont elle se cuirasse ? Comment ne pas lui savoir gré de cet art qu'elle déploie pour aider à la nature, qui a un peu perdu le secret de ses moules impeccables, et pour la rectifier au besoin ! Ces tailles délicieuses, que seraient-elles pourtant, quelquefois, avec le costume rigoureusement « hygiénique », avec le souci strict du libre jeu de la respiration l'emportant sur celui de plaire ? Je me méfie beaucoup, je le confesse, des opinions trop raisonnables, en fait de féminisme; elles ne tendraient à rien moins qu'à diminuer notre plaisir de dilettantisme dans la contemplation, toute platonique et toute désintéressée qu'elle soit, de ces petits êtres exquisement artificiels.


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Traversez un peu, « pour voir », une petite ville allemande ou suisse, où vous apercevrez de bonnes grosses dondons, qui ne se serrent point, elles, qui se montrent telles que le ciel les a fautes, abondamment pourvues en chairs, et qui, si elles n'ont pas supprimé le corset, l'ont réduit à l'état d'ornement inutile, tant elles