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ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

pas seulement sur ses personnages que l’on peut écrire un nom ; par-dessus eux, en effet, c’est surtout le procès d’un état de choses que fait Lemelin. Le séminariste Pierre qui sent sa vocation chanceler sous les charmes d’une femme est-il une exception ? L’exception ne se trouve-t-elle pas plutôt dans l’attitude de ce jeune homme, à la vocation éclose dans la serre-chaude du séminaire, qui ose secouer la torpeur qui risquait de l’endormir et qui veut que sa vocation soit autre chose qu’un vague sentimentalisme religieux ? Combien, comme Pierre Boisjoly, ont le courage de regarder la situation en face et de tenter l’épreuve suprême qui les éclairera sur l’appel de Dieu.

Les trois romans de Lemelin se tiennent ; il y a entre eux plus que le lien matériel de Denis Boucher, dont l’évolution est bien celle que faisait prévoir le gamin de la pente douce ; il y a là, les matériaux d’une fresque solide du peuple canadien-français des faubourgs avec ses faiblesses, ses déceptions, mais aussi ses enthousiasmes et ses élans de grandeur ; une fresque dans laquelle on sent que Lemelin s’efforce de mettre en relief l’aspect humain d’un peuple qui en est encore au stade du refoulement, qui possède en lui des ressorts tout prêts à se détendre, mais qu’on maintient resserrés par d’artificiels moyens. L’absence de