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ROMANS D’ANALYSE

non plus à la façon tourmentée d’un Mauriac qu’obsède la présence du mal dans le monde. Il serait plus près d’un Julien Green ; mais il l’est à sa manière bien à lui. Ses prêtres n’ont rien d’artificiel ; ils sont vivants, pénétrés du Christ, des personnifications du Christ comme le Christ les a voulus. Prêtres de la bourgeoisie si l’on veut, mais non embourgeoisés. Son Père Étienne (Giroux a-t-il voulu perpétuer et exalter la mémoire de cet admirable prêtre du même nom, autour de la tombe duquel toute une paroisse de Québec est venue pleurer et prier l’année passée ?), son Père Étienne, dis-je, est bien de la trempe de ces prêtres qui prêchent surtout d’exemple et qui, parce qu’ils aiment leur maison, la veulent, comme il le dit lui-même, propre et nette, à l’exemple du Christ s’armant d’un fouet pour nettoyer la sienne.

Dans « Le Gouffre a toujours soif », Giroux a acquis de l’expérience ; son métier s’est affirmé. Il est plus maître de lui-même, maître de ses moyens et de sa matière. Romancier, Giroux possède aussi une belle conscience d’écrivain ; il a le souci du travail bien fait, de l’œuvre polie et ciselée. Dans notre roman d’analyse, il occupe une place de tout premier plan.