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LE ROMAN DE L'HOMME

les caractères y sont moins trempés et plus flous. Le Docteur Dubois n’a pas la personnalité d’un Jean Cherteffe ni Madeleine celle de Michèle ; chez les personnages épisodiques, on ne rencontre personne de la trempe d’un Benoît. Mais ce qu’il perd en profondeur, Langevin le regagne dans l’édification du roman lui-même, qui est mieux encadré et possède une charpente plus solide. Ces deux premières œuvres le situent parmi nos romanciers les plus authentiques, un de ceux qui pourront, à brève échéance, donner à notre littérature ses véritables lettres de noblesse.

C’est un tout autre aspect de l’homme qu’aborde Eugène Cloutier dans « Les Témoins »[1] ? Le Philippe des « Hypocrites » de Berthelot Brunet avait peut-être conscience de sa culpabilité, mais sa déchéance l’empêchait de s’y arrêter, surtout de l’examiner. Dans « Les Témoins », nous avons affaire à un être sain qui veut comprendre et expliquer ses actes, qui veut déterminer la nature du réflexe ultime qui l’a fait peser sur la gâchette du revolver pour abattre sa femme et l’homme à qui elle venait de s’abandonner. Il accepte immédiatement un juge, sa conscience, qui rendra son

  1. « Les Témoins » ont obtenu une mention honorable du jury du « Cercle du Livre de France », en 1953.