Page:O'Leary - Le roman canadien-français, 1954.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
ROMANS DE MŒURS ET ROMANS SOCIAUX

mans ont atteint l’envergure de ceux des maîtres romanciers français, américains ou autres. J’essaie d’ailleurs, tout au long de cette étude, de déceler les causes de l’évolution lente et même tardive de notre roman. Mais il serait injuste aussi de nous reprocher de n’avoir pas sacrifié au snobisme qui exigeait, à tout prix, du roman existentialiste. Pour écrire un bon roman, il faut plus qu’accepter de se plier à la mode du jour et à des contingences éphémères. Le roman canadien français vaudra en autant qu’il pourra servir de témoin à l’époque où il paraît et aider à sa reconstitution. En résumé, sans tenter de le porter au pinacle, on peut quand même affirmer qu’il y eut quelques écrivains capables de saisir le moment de notre vie sociale avec suffisamment de force pour demeurer des témoins probants. Le prolétariat et la bourgeoisie sont maintenant devenus des personnages du roman canadien : Roger Lemelin et Gabrielle Roy ont découvert et peint, non sans une certaine vigueur, le premier ; André Giroux a mis en accusation une mentalité bourgeoise qui existe incontestablement ; Ringuet a fait revivre la bourgeoisie de l’entre-deux-guerres à travers un homme du peuple qui en a forcé les portes ; Roger Viau a mis en lumière le fossé qui sépare ces deux classes dans un pays où l’on