Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/162

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tement. Tout à la pensée de leur malheur présent, qui les empêche de se souvenir des bienfaits qu’ils doivent à Dieu d’une part, à la vertu et à l’intelligence de Moïse de l’autre, ils n’ont pour leur chef que de la colère, et s’élancent pour le lapider[1], comme s’il était le plus responsable de leur détresse actuelle.

4. Mais lui, devant cette foule ainsi surexcitée et animée contre lui de sentiments violents, fort de l’appui de Dieu et de la conscience qu’il a d’avoir veillé sur ceux de sa race, s’avance au milieu d’eux tandis qu’ils vocifèrent et tiennent encore des pierres dans leurs mains ; avec son aspect si agréable et son éloquence si persuasive pour la foule, il commence à apaiser leur colère, les exhorte à ne pas oublier, sous l’impression des difficultés actuelles, les bienfaits antérieurs, et à ne pas chasser de leurs pensées, parce qu’ils souffrent présentement, les grâces et les faveurs considérables et inespérées qu’ils avaient reçues de Dieu. Ils doivent compter qu’ils seront tirés aussi des embarras actuels, grâce à la sollicitude divine, car, vraisemblablement, c’était pour éprouver leur vertu, pour savoir de quelle force d’âme ils étaient doués, quelle mémoire ils conservaient des services déjà rendus, et s’ils n’y reporteraient point leur pensée sous l’influence des maux actuels, que Dieu les accablait maintenant de ces tourments. Il leur reproche de ne savoir ni les endurer, ni se souvenir d’un heureux passé, en faisant si peu de cas de Dieu et du dessein selon lequel ils ont quitté l’Égypte, et en montrant tant d’humeur contre lui-même, serviteur de Dieu, lui qui ne leur a jamais menti, ni dans ses discours, ni dans les ordres qu’il leur a donnés selon les instructions divines. Puis il leur énumère tout, comment les Égyptiens ont été détruits en voulant les retenir de force contre la volonté de Dieu, comment le même fleuve se changea pour ceux-là en sang, de sorte qu’ils ne purent boire de ses eaux, tandis que pour eux-mêmes elles restaient potables et douces, comment, traversant la mer qui s’écartait d’eux au loin en leur ouvrant un chemin tout nouveau, ils y trouvèrent le salut pour eux-mêmes, tandis qu’ils voyaient leurs ennemis périr ; comment,

  1. Dans la Bible, il n’est question de lapider Moïse que plus loin (Ex., XVII, 4).