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NOTICE ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.


TRAGÉDIE.


Quoiqu’on ne puisse mettre ce drame au premier rang de ceux de Shakspeare, il n’en est pas moins une de ses plus belles pièces historiques, c’est-à-dire une de celles où la poésie devient l’interprète de l’histoire. En effet, cette pièce est remplie de cette force de conception qui le rendait maître du temps et des circonstances. Elle présente un magnifique tableau de l’orgueil romain, de la magnificence orientale, et de la lutte entre l’Orient et l’Occident.

Le caractère de Cléopâtre est un chef-d’œuvre ; c’est le triomphe de la volupté, de l’amour du plaisir, et du pouvoir d’en donner. Quel contraste il offre avec Imogène ! On serait porté à croire qu’il était presque impossible à la même main de les avoir ainsi tracés tous deux. Cette Cléopâtre est voluptueuse, vaine, orgueilleuse de ses charmes, hautaine, tyrannique et légère. La pompe et l’extravagance somptueuse de la reine d’Égypte paraissent dans toute leur force et tout leur éclat, ainsi que la grandeur d’âme irrégulière de Marc Antoine.

De tous les caractères de femme de Shakspeare , Miranda et Cléopâtre sont les plus étonnants : la première, comme conception poétique, n’a point d’égale ; la seconde, comme ouvrage de l’art, est admirable. Si nous pouvions faire une classification régulière de ces caractères, ils formeraient les deux extrêmes de simplicité et de complication.

La description riche et poétique de Cléopâtre naviguant sur le Cydnus parait préparer le chemin, et presque justifier l’infatuation subséquente d’Antoine, lorsque il abandonne le champ de bataille d’Actium, pour suivre la reine qui s’enfuit :