Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/104

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Il ajouta avec effort et comme pour s’obliger à parler :

— En voilà une histoire !… Ah ! ben… Ah ! ben !… Je t’avais pourtant assez prévenue, bon Dieu !

D’un geste décent, il baissa les jupes qui, s’étant retroussées dans la chute, découvraient les cuisses de l’agonisante.

Le régiment passé, on la porta à grand’peine dans le café.

— Elle est morte, allez !… répéta Jaulin… Elle est bien morte !

Il était très pâle… Quelques gouttes de sueur roulaient sur son front. La poitrine oppressée, il soupira par trois fois :

— Ah ! la pauv’vieille !

Mais la pauv’vieille n’était pas tout à fait morte. De sa gorge, de son nez, sortait, avec les petits caillots noirs, un bruit de râle, comme un bruit de bouteille qui se vide… Elle avait la vie si dure, la mère Jaulin, qu’elle mit encore deux longs jours à mourir, sans avoir repris connaissance, sans avoir rouvert les yeux.

À l’enterrement, que suivit tout le village, le maire en tête, le conseil municipal en cortège, Jaulin eut une belle contenance. Il n’exagéra ni la douleur ni la joie. Il fut très bien.

Grâce à maître Peleux, l’adjoint, qui raconta sa