Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/115

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dans la rue ou dans la campagne, ils ne se regardèrent même pas, ne s’évitèrent même pas. Ils s’ignorèrent.

Dingo préféra les petits roquets, venus on ne sait d’où, nés on ne sait comment, au hasard des chemins, des passages de roulottes bohémiennes, de cirques forains… les petits roquets irrespectueux, effrontés, têtus et comiques, avec des queues ridicules, en trompette, en tire-bouchon, en éventail, en plumeau, ou pas de queue du tout… velus là où il eût fallu être glabres, glabres là où il eût été décent d’être velus… les petits roquets pillards, paillards et braillards, qui parlent argot, ont le goût de la bataille, de l’escalade, de l’engueulade et de la chapardise.

Il s’amusa un moment de leurs jeux de gamins cocasses et de voyous débraillés.

Bons enfants, en somme, serviables et rigolos. Mais ils étaient trop petits, trop agressivement petits pour que Dingo songeât à s’en faire de sérieux camarades et d’utiles amis. Et surtout, ils aboyaient trop, vraiment, ils l’étourdissaient, le fatiguaient de leur verve de paillards, de leurs histoires toujours les mêmes et de leur excessive impudeur. Quand il avait passé une heure avec eux, il se sentait très mal à la tête. Et il rentrait, mécontent d’eux et de lui.

Ils restèrent bien ensemble, mais se fréquen-