Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/119

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tion, destruction, le rythme même de la vie.

Et puis c’est une loi merveilleuse de cette merveilleuse nature, que les sexes, même les moins faits pour se joindre, exercent l’un sur l’autre, fatalement, à leur insu, une force d’attraction, de gravitation, en quelque sorte cosmique. Ainsi les animaux mâles s’avouent dominés davantage par la femme ; les femelles par l’homme.

Il aimait les enfants, avait conscience de leur fragilité, et jouait avec eux, sans brusquerie, sur le tapis des chambres et sur les pelouses du jardin. Il prenait bien garde à ne pas les casser… Il les maniait — si j’ose dire — comme un collectionneur, de précieux bibelots… Si, dans l’émulation du jeu, gamins et gamines s’excitaient parfois jusqu’à la cruauté. Dingo se contentait de les avertir par un petit coup de patte, ou par un grondement léger qui n’avait rien que de débonnaire et de paternel.

Il aimait Miche.

Miche était une petite chatte de trois mois, émouvante de gentillesse, de grâce sensuelle, délicieusement maniaque, déjà onduleuse, coquette et, avec des yeux verts, verts comme deux petites lunes d’avril, toute noire, d’un beau noir profond et lustré, où le ciel reflétait sa lumière soyeuse et changeante. Dingo l’avait, pour