Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/127

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L’homme sourit et rajuste la bricole sur sa poitrine.

— Attends, mon garçon… attends un peu… murmure-t-il.

Sa figure est ravagée, mais point méchante… Ce n’est qu’une pauvre figure, grisâtre, abêtie par la fatigue, sur laquelle le malheur a creusé, de sa gouge, comme dans du bois vermoulu, des trous rugueux.

Le col tendu en avant, les genoux pliés, il démarre, ébranle la voiture qui, après un léger balancement, se remet à rouler sur la route.

Tâchant de régler son pas sur le pas de son compagnon d’attelage, dont il imite drôlement, exagérément l’effort, Dingo, les pattes vigoureusement agrippées au sol, bande ses muscles, gonfle son poitrail, comme s’il tirait, lui aussi, de toutes ses forces, sur la charrette.

— Hue !… Hue ! fait l’homme, amusé.

— Oua ! Oua ! fait Dingo, intrépide.

Ils atteignent ainsi le sommet de la côte.

Maintenant, il n’y a plus qu’à descendre. À quatre cents mètres, le bourg de Montbiron étale ses toits rouges, ses toits bleus, ses façades blanches, ses façades jaunes, effile son clocher d’ardoise dans la verdure plus fraîche, entre les peupliers. C’est là peut-être que l’homme va… du moins, c’est là qu’il va pouvoir se reposer un peu.