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À chaque pas, nous croisons des gens qui reviennent de Montbiron ; d’autres nous dépassent qui y vont en hâte. À la place même où nous l’avons trouvé la veille, en train d’éplucher l’accotement, le cantonnier me salue, au passage. Mais il est en habit du dimanche.

— Un fameux bain, cette nuit, me dit-il… Un fameux bain !

Décidément, il aime cette image.

Un philosophe, ce vieux bonhomme. Les bruits de fêtes ne le retiennent pas à la ville. Comme s’il n’était rien arrivé, il est venu voir si l’orage n’a pas dégradé sa route et bouché les fossés. D’ailleurs, les jours de repos, c’est toujours sur la route, dans son cantonnement, qu’il se repose. Pour être heureux, il lui suffit de s’asseoir sur une borne ou sur un mètre de cailloux, ou bien de s’adosser dans l’herbe, au talus, et de regarder sa route, de regarder les gens et les choses qui passent sur sa route.

Je lui demande :

— Avez-vous vu, hier, un malheureux qui traînait une voiture à bras ?… Un petit homme qui boitait ?

— C’est bien possible, me répond-il… Il passe tant de choses ici !

Et montrant à Dingo un point précis de la route :

— Tiens, mon garçon… ce matin, il a passé un