Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/150

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profits. Je dois dire à sa louange qu’elle ne les falsifiait point.

Elle était fort dévote et, malgré l’envahissement de la graisse, douée d’un tempérament amoureux des plus violents, que l’âge, au lieu de refroidir, exaltait, paraît-il. On chuchotait, sans jamais mêler à ces histoires une pensée de déconsidération, qu’elle se montrait quotidiennement galante avec des charretiers bien musclés, dont elle avait d’ailleurs vérifié l’agrément et l’endurance du temps de son mari…

— Dame !… Une veuve, n’est-ce pas ?… Et d’une si forte santé !

Et comme, au surplus, elle avait été jadis, en sa jeunesse, très fraîche de visage et très rose de peau, qu’elle s’habillait toujours de soie noire et qu’elle se coiffait de larges chapeaux à coques rouges, on l’appelait dans le pays, en dépit des ravages du temps, la belle Irma…

Sans autres incidents que ces souvenirs accordés à la belle Irma, nous rentrons à la maison. Dingo, qui m’a suivi sans entrain, est triste. Miche elle-même est impuissante à lui redonner de la gaieté. Il ne s’amuse de rien. Il s’éloigne de la table durant le repas, avec affectation, et refuse obstinément de manger. Toute la soirée, il est demeuré à l’écart, sans bouger, le corps