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Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/160

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paresse… Je ne cherchais donc pas à approfondir celle-là davantage. D’ailleurs, au fond, elle ne m’intéressait que médiocrement ; mais une autre question se dressait plus angoissante.

Allais-je désormais ne plus me fier au jugement de Dingo ?… Et comment ferais-je pour me diriger dans la vie ?…

Je dois dire que, jusqu’ici, en dehors de cette immoralité, de cette amoralité sociale, qu’il partageait d’ailleurs avec beaucoup de grands philosophes et sur laquelle par conséquent on pouvait discuter, sa connaissance de l’âme humaine, sa clairvoyance en toutes choses tenaient vraiment du prodige. J’avais fini par m’y fier aveuglément. Je me détournais de l’homme envers qui Dingo montrait de la méfiance, de la haine. J’acceptais, sans discussion, celui à qui Dingo manifestait de l’amitié. On me reprochait quelquefois mes brusques sautes d’affection. On me disait :

— Comme tu es drôle ?… Pourquoi as-tu rompu avec un tel ?…

Je répondais simplement :

— Dingo ne l’aime pas…

Et ma conscience était en paix.

Fallait-il donc maintenant que ma conscience fût à jamais troublée et que je m’obligeasse, à cause de lui, à reviser le procès de toutes mes amitiés perdues ?