Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/206

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paraître pâle, dont la peau est tannée, gaufrée, corroyée par le hâle et par les années. Il tremble, comme s’il avait très froid, les deux mains appuyées sur la béquille d’un bâton de merisier.

— Je sais pas c’que j’ai, répond-il… Je sais pas ce qui m’a pris, tout à l’heure… J’ai la fièvre. Ça me vionde dans la tête… L’estomac aussi… Enfin, ça ne va pas…

— Vous vous plaignez toujours, père Michel…

Le vieux ronchonne.

— Je me plains… je me plains… Heu !… heu !… Bien sûr que je me plains !…

— C’est rien du tout… Et justement vous avez de la veine… Y a de la salade de bœuf ce matin. Sacré père Michel, vous aimez bien ça, la salade de bœuf… Vous allez vous faire une bonne petite salade de bœuf… avec de l’ail et du cornichon… Ça vous remettra… Entrez donc !

Je songe à la porte du grenier, d’où la vieille mère est tombée. Il me semble que cette salade de bœuf et cette porte appartiennent à un même ordre de faits et de sentiments familiaux. J’y songe d’autant plus qu’en ce moment Jaulin a une bonne figure hospitalière et souriante.

Mais le vieux a protesté.

— Non… Non… gémit-il… j’ai la fièvre…

— Justement…

— Non ! que j’t’dis…