Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/235

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terrasse à faire mille folies… à me briser mes rosiers et mes clématites… Sacré Dingo !… Ah ! ça ne m’étonne pas… Je l’avais dit à monsieur…

Je pensai qu’il y avait eu entre les chats et Dingo, à propos de Miche, un drame de famille… Peut-être Dingo n’était-il pas si coupable qu’on le croyait… Il n’était pas impossible, au contraire, qu’il eût agi héroïquement, chevaleresquement. Et puis, je venais de remporter un grand succès au Congrès international de langue française… Enfin, je ne sais pas, ce soir-là, j’étais accessible à toutes les indulgences, à tous les optimismes. Tout en regrettant sincèrement mes deux vieux chats, je ne voulus pas m’émouvoir outre mesure. En somme, le jardinier n’avait rien vu du drame même. Il n’avait vu que les cadavres des chats. Qui prouvait que ce fût Dingo qui eût tué ? Mais ce bon Thuvin avait l’âme d’un juré de Versailles. Il ne cessait de répéter :

— C’est lui, monsieur… C’est lui… J’en mets la main au feu…

Et secouant la tête, et tordant sa casquette dans cette main promise au bûcher comme un vieux morceau de bois :

— C’est mauvais… c’est mauvais… affirmait-il… Les chats… mon Dieu… je m’en fiche et je pense bien que monsieur s’en fiche aussi… Mais, c’est mauvais… Enfin, monsieur est le maître…