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montrer aux gens. Quand j’étais obligé d’aller à Paris, je gagnais, au bout de l’enclos, une vieille porte condamnée depuis des années et perdue dans les ronces et les rejets épineux d’acacias. Par des détours fatigants, évitant tout ce qui pouvait ressembler à des hommes, je retrouvais la route de Cortoise ou de Montbiron, où je prenais le train.

Quant à Dingo, je l’enchaînais dans une chambre comme dans une prison. Inutiles précautions, peines perdues ! Comment faisait-il ? De même que Latude, il trouvait le moyen de s’évader des endroits les mieux fermés. Et laissant là chaîne, collier, prison, sans bruit, caché à tous les yeux, il profitait d’un relâchement de surveillance pour descendre, sortir, gagner la campagne, où souvent il restait trois ou quatre jours, sans que j’eusse de lui d’autres nouvelles que les recrudescences de clameurs et les cris de mort.

Piscot avait du bon sens, de l’imagination et une certaine aptitude à l’ironie. Il se refusait à tenir pour possible que ce fût Dingo qui causât ces dévastations. Chez Jaulin, il le défendait courageusement, contre les buveurs indignés.

— Allons donc ! allons donc !… faisait-il… Une bête si douce !… Je le connais bien, voyons.

Il croyait, lui, à l’existence quelque part d’un animal fabuleux, d’une piterne, d’une espèce de