Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/344

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marmottait je ne sais quelles basses injures, qu’il agrémentait des plus horribles grimaces. Sans se connaître davantage, sans s’être parlé autrement, ils se haïssaient le plus cordialement du monde.

Un soir, paraît-il, pour marquer définitivement son mépris au bourrelier, Dingo, en passant, leva la patte sur un beau collier de cheval, tout neuf, qui séchait devant la porte sur le trottoir et il inonda d’un jet puissant, corrosif, la peau de mouton teinte en bleu, les glands de laine rouge et les grelots de cuivre qui harnachaient ce magnifique objet. Velu devint furieux. Mais il savait se maîtriser, en vue d’une vengeance plus éclatante. Il se leva, le dos courbé, sournoisement, silencieusement, alla chercher dans l’arrière boutique un baquet plein d’eau de savon, où Mme Velu avait lavé son linge et il en lança le contenu, impétueusement, sur le pauvre Dingo.

— Pour toi !… fit-il, simplement, en ricanant.

Affreusement mouillé, le poil collé au corps, sa belle queue touffue amincie en corde, les yeux brûlés par la potasse, profondément humilié, Dingo s’enfuit et rentra à la maison, poursuivi par les rires méchants du bourrelier. Il se sentait ridicule. Mais il n’avait rien oublié. Le soir, sur la terrasse, il songea à sa revanche.

Le lendemain, dès l’aube, il était embusqué