Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/396

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s’écartait de lui. La terreur qu’il répandait était telle, que non seulement les gens du pays ne lui parlaient pas, mais qu’ils évitaient de parler de lui. On disait seulement : « Il a été en justice. » J’appris qu’il avait été condamné plusieurs fois pour délits de braconnage. Il y avait aussi une histoire de garde assassiné. Flamant avait été arrêté, aucune preuve ne fut relevée contre lui. On le relâcha.

Lui ne se disculpait pas. Il ne disait rien. Non par ruse de paysan, mais par une sorte de fierté morne, où il y avait autant de tristesse que de dédain. Et d’ailleurs ce n’était pas un paysan, cet homme de la forêt qui avait dressé sa cabane de planches pourries dans un communal, près de la berge. Dans le village, où le garde champêtre et la gendarmerie pourchassaient les Romanichels et les roulottiers, on respectait le droit qu’il avait pris d’occuper ce bout de terrain.

J’aimais Flamant pour son apparence sauvage, pour sa vie solitaire, pour le mépris et pour la peur qu’avaient de lui les paysans et les boutiquiers. J’avais essayé en vain de causer avec lui. Je ne sais s’il comprit ou non ma sympathie. Mais il ne répondit à mes questions les plus amicales que par des oui ou des non. À peine me montrait-il un peu plus de confiance qu’aux paysans du village. Il avait consenti à venir travailler