Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/430

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ailleurs, comme pour ne pas voir le danger, comme s’il eût voulu obéir plus absolument. Mais aussitôt après, il me regardait avec une expression de reconnaissance très douce et très triste. Puis il remuait faiblement la queue et retournait se coucher, d’un mouvement sans cesse interrompu, d’un mouvement en zigzag, comme si le poids de son corps l’eût entraîné tantôt à droite, tantôt à gauche.

À force de soins, je le gardai vivant jusqu’au dix-septième jour. Ce jour-là, ou plutôt cette nuit-là, je veillais ma femme endormie, à demi couché près de son lit, dans un grand fauteuil. Dingo reposait sur un matelas, à mes pieds. Sa respiration était courte, haletante ; la fièvre le faisait trembler. Mais comme il avait dépassé le onzième jour, je gardais encore de l’espoir… Il poussait de petites plaintes ; je lui lavai doucement la gorge, la bouche, les lèvres qu’infectaient de longues baves jaunâtres. Cela parut un instant le soulager. Et brusquement, trouvant — par quel miracle de tendresse ! — la force de se mettre debout, et tendant vers moi, comme des bras, ses deux pauvres pattes molles, il se haussa jusqu’à ma poitrine… Après quoi, il s’affaissa lourdement, la tête sur mes genoux, mort.

Ma femme ne s’était pas réveillée. Alors dans la pâle lueur de la veilleuse, jusqu’au matin, je