Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc !… Nous ne partons pas pour la Chine. Allons, voyons, viens… mais viens donc !

J’avais inventé un petit jeu qui l’amusait beaucoup et où il se montrait fort adroit. Je faisais rebondir des balles en caoutchouc, presque jusqu’au plafond et, à la retombée, il les recevait dans sa gueule. Il y avait huit balles rangées dans une corbeille de vannerie, sur une petite table du vestibule.

— Va me chercher tes balles…, commandais-je au moment où il y pensait le moins.

Lestement, Dingo partait et venait me les mettre, une à une, dans la main. S’il en manquait, il n’avait de cesse qu’il ne les eût retrouvées dans le coin d’une pièce ou sous un meuble. Non seulement Dingo parlait mais il calculait, sans que je l’eusse dressé au calcul.

Admirable sensibilité du chien !

J’ai eu un petit griffon — un délicieux petit griffon — à qui je pense toujours, comme à un ami perdu, comme au plus fidèle, au plus tendre de mes amis perdus.

Bien que sa face fût toute noire et son poil noir, tout frisé, frisé comme une chevelure d’ange, on le nommait Pierrot. Mais ce n’était point le Pierrot lugubre, tragique, douloureux, chapardeur et farceur, de la comédie italienne et de notre