Page:Octave Mirbeau - Dingo - Fasquelle 1913.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moulurés, ni une porte ogivale, au fond d’une cour, pas même le traditionnel pigeonnier. Tout cela, depuis longtemps, a disparu. Rien n’est demeuré de ces prieurés et de ces monastères, dont fut couvert ce pays du Barcis qui, au dire des historiens, fut, avec le Valois et le Vexin, le berceau de notre bel art gothique. Ce passé, on ne le retrouve plus que dans les âmes, qui n’en ont gardé soigneusement que l’ignorance superstitieuse et les laideurs morales.

De l’autre côté de la place, juste en face de ma grille, Jaulin annonce au public sa double qualité de maréchal et de cabaretier, par une double enseigne : une sorte d’écusson formé de fers à cheval, qui surmonte la forge, une branche de houx, fichée dans le mur au-dessus de la porte du cabaret, où l’on accède par un perron de cinq marches. Entre cette porte et la forge, une fenêtre, derrière laquelle s’aperçoivent, reposant sur des copeaux de papier vert, quelques boîtes de conserves, dont le soleil a mangé les enluminures, deux bocaux pleins de café grillé et cinq oranges en pyramide, apprend encore que Jaulin est aussi, au besoin, épicier. Enfin, dans des caisses disloquées, deux pauvres lauriers-roses, malades, très jaunes, hépatiques, semblent vouloir escalader le perron, et rentrer à toute force dans cette maison où l’on boit tant, pour y étan-