Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/10

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Ils admiraient grandement cette nouveauté, lui faisaient crédit de n’être encore qu’un sport – un sport expérimental – aux mains des riches, et ils en attendaient des applications démocratiques, avec confiance.

À plusieurs reprises, ils marquèrent cette fierté que, de tous les départements français, le leur fût celui où l’instruction s’était le plus développée.

L’un d’eux me dit :

— Chez nous, tous, nous désirons apprendre. Malheureusement, on ne nous apprend pas grand’chose. Nous n’avons pas, bien sûr, l’ambition de devenir des savants, comme Pasteur. Mais nous voudrions connaître l’indispensable. Or, l’instruction qu’on nous donne est, tout entière, à réformer. C’est l’instruction cléricale qui persiste hypocritement, dans l’instruction laïque. On nous farcit toujours l’esprit de légendes dont nous n’avons que faire… Mais nous continuons à ignorer les plus simples éléments de la vie : par exemple, ce que c’est que l’eau que nous buvons, la viande que nous mangeons, l’air que nous respirons, la semence que nous confions à la terre…, en bloc, tous les phénomènes naturels, et nous-mêmes… Alors, comme nos anciens, nous cheminons, à tâtons, dans la routine, et nous ne sommes pas capables de tirer parti des immenses richesses qui sont, partout, dans la nature, à portée de la main.

L’autre, qui approuvait, dit à son tour :

— Les socialistes nous prêchent sans cesse l’émancipation, l’affranchissement… J’en suis, parbleu !…