Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/130

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positifs… des traits de caractère… du document, enfin… Un homme pareil !… Il doit y en avoir d’admirables, d’extraordinaires, par milliers…

Alors, ils se mirent à bavarder sur le Roi, avec abondance…

Mais on ne sait jamais rien… Les gens passent près de vous, les choses arrivent et défilent autour de vous ; personne n’a d’yeux, personne n’a d’oreilles…

Ils restèrent, comme de coutume, dans des généralités lyriques qui ne m’apprirent rien d’autre, sur ce personnage passionnant, que leur propre opinion, laquelle, faut-il le dire, m’était fort indifférente.

Je sus, ainsi, ce que je savais déjà depuis longtemps, que le Roi est fin, rusé, retors, voluptueux, sans le moindre scrupule ni la moindre pitié. Il est horriblement âpre et avare, mégalomane aussi, par surcroît, d’une mégalomanie singulière qui le pousse à bâtir, à bâtir des maisons, des palais, des boutiques, sans autre but que de faire de Bruxelles une ville monumentale, dans le genre de New-York et de Chicago. Projet absurde, car il n’a sans doute pas réfléchi que c’est à des Belges – à des Belges de Bruxelles – qu’il s’adresse, non à des Américains. Pour satisfaire en même temps à son avarice, à ses plaisirs, à sa mégalomanie, il ne pense qu’à conquérir de l’argent, encore de l’argent, toujours de l’argent. Tous les moyens lui sont bons, principalement les pires. Son imagination, en affaires, est inépuisable et merveilleuse. Il roule les gens, et même les peuples, avec une maëstria souveraine. Les bons tours ne lui font jamais défaut. Il a beau le vider, son sac en est toujours plein. Ses filles, qu’il a dépouillées en un tour de main, en savent quelque chose. L’Angleterre et l’Allemagne, qui ne sont point pourtant des gogos faciles à mettre dedans, ont connu, à leurs dépens, cette supériorité prestidigitatrice,