Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de leur cérémonial, la splendeur carnavalesque de leurs déguisements, ne vous paraissent pas maintenant de stupides décors de théâtre, de lamentables mises en scène, pour représentations d’hippodrome ?… Quand je rencontre Léopold, il ne me donne jamais l’impression que c’est le Roi des Belges. Je me dis : « Ah ! voilà le président du Conseil d’administration de la Belgique ! »… Et cela suffit bien, je vous assure, aux exigences de ma fierté nationale… Et puis, je l’aime, moi, cet homme-là… Il a de l’esprit, un à-propos charmant, de la modération… En voulez-vous une preuve ?… Il fut un temps où tous les kiosques de journaux et de fleuristes, toutes les devantures des librairies, des papeteries, étaient pleins de cartes postales, représentant – Dieu sait en quelles postures ! – le Roi et Mlle Cléo de Mérode. Je me souviens d’en avoir vu d’absolument obscènes… Cela l’agaçait beaucoup… et ce qui l’agaçait plus encore que l’intention de lèse-majesté qu’elles affichaient si audacieusement, c’était leur sottise lourde et grossière… Quoiqu’il ne se soit jamais plaint, l’étalage en fut interdit sévèrement, mais non la vente qui continua, sous le manteau, comme on disait du temps d’Andréa de Nerciat.

Le haut fonctionnaire s’interrompit pour me demander :

— Vous connaissez, à coup sûr, M. B…, votre compatriote ?

— Le sosie du Roi ?

— Oui.

— Je crois bien… même taille, même élégante allure, même barbe carrée, mêmes yeux… C’est extraordinaire !

— Vous le connaissez… Bon… Eh bien, un jour, l’année dernière, à Ostende, le Roi se promenait sur la digue…