Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/197

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sur les fleuves, prospèrent au détriment des rades et des havres inutiles.

Marseille n’a pas diminué, Le Havre n’a pas été battu par Rouen pour d’autres raisons. Pour la même raison, Paris un jour battra Rouen, et Lyon sera peut-être, un jour plus lointain, le plus grand port français… J’entrevois très bien le jour merveilleux, le jour de féerie scientifique, où Bâle, qui est déjà le plus grand marché de poisson de mer, deviendra le plus grand port de l’Europe, quand, aidés des Allemands, les Suisses auront fait franchir, en tunnels, en ascenseurs, leurs montagnes aux fleuves et aux canaux et amené, enfin, en dépit des anciennes plaisanteries d’opérette, une colossale flotte marine dans leur République.



Là-bas, à l’embouchure de l’Escaut, c’est en vain que Flessingue s’épuise à vouloir devenir, même à demeurer un port. Les Hollandais n’ont pas épargné l’argent. Les bassins ont été agrandis ; d’autres ont été creusés. Tout y est pourvu des dernières inventions de la science… Vous pressez un bouton électrique, et, à un kilomètre de là, des écluses s’entr’ouvrent aussitôt, mais pour ne laisser passer que de l’eau et, quelquefois, que du vent… On a jeté dans la mer un môle magnifique, de hautes terrasses de granit blanc, auxquelles on accède par de splendides escaliers de temple babylonien… On s’attend toujours à y voir apparaître, cuirassée d’or et voilée d’argent, Sémiramis. Mais un port n’est pas un décor d’opéra ; les bassins et les môles, si formidables qu’ils soient, ne suffisent pas à créer un port. Il y faut aussi des bateaux. Et pour