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EN HOLLANDE



Fantômes.



Je serais un pauvre homme, je me sentirais presque aussi dénué de sensibilité et d’imagination qu’un auteur dramatique de ce temps, si je disais que je suis entré en Hollande, sans angoisse.

Bien au contraire, le cœur me battait fort et, longtemps avant la frontière, mes yeux s’ouvraient tout grands, vers l’horizon désiré. J’étais très ému, il ne m’en coûte rien de l’avouer. Et, voyez l’ironie des choses, je roulais sans m’en douter, depuis une dizaine de kilomètres, sur la terre néerlandaise, que j’étais toujours dans l’attente du choc… Aux tristes emblaves, aux sables stériles, aux boqueteaux chétifs que nous traversions, comment l’eussé-je reconnue ? Nous serions peut-être arrivés à Dordrecht, nous croyant toujours en Belgique, si un paysan, interrogé, ne m’eût crié, avec un orgueil farouche et d’une voix violente, en frappant le sol de ses lourds sabots :

— Nidreland !… Nidreland !