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Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/212

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dans la vie, d’un peu de génie, d’un peu de grâce, d’un effort humain autre que celui des autres hommes, on rêve d’un joli décor, à leur naissance. Je crois à l’influence profonde et secrète du milieu sur la direction et la destinée d’un esprit ; je crois que les choses natales laissent une empreinte durable sur le cerveau, et qu’il est très difficile de s’en affranchir, plus tard, quand elles furent mauvaises. Je fus assez étonné de ne trouver aucune affinité entre Vincent van Gogh et Bréda. Il est vrai que, tant qu’il y vécut, il ne songea pas une minute à devenir l’artiste original et violent qu’il fut. Ennuyeuse et morne, entourée de paysages aux lignes étriquées, aux formes pauvres, Bréda n’avait pas su lui révéler sa vocation. Il y était quelque chose comme instituteur, un instituteur libre. Il parlait aux enfants qu’il assemblait dans la rue, même aux hommes, et il leur prêchait la morale protestante, relevée de tout ce que son âme imaginative et tourmentée contenait déjà d’élans passionnés vers le grand et vers le beau… Et puis il était parti, découragé de son impuissance et de l’inutilité des paroles…

J’aurais voulu avoir des renseignements sur ce moment de la vie de van Gogh, ou bien, à défaut de renseignements parlés, voir sa maison, et, de sa maison, les premiers spectacles qui s’offrirent à lui et qui l’émurent… Je m’informai… À mes questions, les gens s’ébahirent :

— Vous dites ?… Comment dites-vous ?… Vincent van Gogh ?… Un peintre ?… Vous ne vous trompez pas de nom ?… À Bréda ?… Vous ne confondez pas avec Amsterdam ?… Attendez donc…

Personne ne savait.

J’expliquai que ça avait été un grand et douloureux artiste… qu’il était mort, encore jeune, en France… qu’