Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/25

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d’Étampes)… Me sens consolé, et meilleur… (à développer)… Donné deux francs au gardien, ce que ma femme trouve excessif… Acheté pour douze sous de cartes postales illustrées (montrer combien ces cartes postales grèvent aujourd’hui le budget d’un voyage). »

Ces gens-là, je les vénère. Peut-être connaissent-ils des joies supérieures que j’ignore. Mais je tiens à les ignorer, me contentant des miennes, dont je ne sais pas d’ailleurs si ce sont des joies.



J’écrirai donc ceci au hasard de mes souvenirs et de mes rêves, sans trop distinguer entre eux. Vous y verrez souvent, j’imagine, des contradictions qui choqueront votre âme délicate et ordonnée, exaspéreront votre esprit, si plein de forte logique… Qu’y faire ? C’est que je suis homme, comme tout le monde, et que rien des infirmités, des incohérences, des erreurs humaines, ne m’est étranger. De même que tous mes semblables, — qui se vantent, avec un si comique orgueil, de n’être que cœur, cerveau, et tout ailes, — j’ai un estomac, un foie, des nerfs, par conséquent des digestions, des mélancolies et des rhumatismes, sur lesquels le soleil et la pluie, le plaisir et la peine exercent des influences ennemies. Ce que M. Paul Bourget appelle des « états de l’esprit », ce n’est jamais que des « états de la matière », qui affectent diversement notre sensibilité morale, notre imagination, le mouvement et la direction de nos idées, comme les météores, qui passent sur la mer, en changent, mille fois par jour, la coloration et le rythme. Selon que mes organes fonctionnent bien ou mal, il m’arrive de