Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/416

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— Non… à cause de « cochon »… C’était bien plus avantageux pour un romancier psychologue…

— Cela est très drôle… Mais vous ne nous avez toujours pas dit comment il est ?…

— Je vais, si vous le permettez, vous raconter encore une histoire… La dernière fois que je vis Bourget, c’était à Cannes, comme vous devez le penser… Maupassant nous avait invités à déjeuner sur son yacht… En me voyant, attendant, moi aussi, sur la jetée, le canot du Bel Ami, Bourget ouvrit les bras, s’exclama : « Vous ?… Ah ! que je suis heureux !… Il y a tellement longtemps !… Cela me fait une telle joie de vous revoir !… Toute ma jeunesse ! »… Et il m’embrassa, le cher Bourget… Après quoi : « Vous savez ?… Vous allez être très étonné… Vous verrez un Maupassant transformé… oh ! transformé ! » L’orgueil riait par tous les plis de sa face… Il me confia : « Vous savez ?… Je l’ai enfin amené à la psychologie, oui, mon cher, à la psychologie ! »… C’était, en effet, l’année où le pauvre Maupassant écrivait Notre Cœur, hélas !… Bourget remarqua mon peu d’enthousiasme… Il me le reprocha : « Comment ? fit-il… ce n’est donc pas une chose énorme… énorme ? » – « Si… si… dis-je… oh ! si ! » – « Mais c’est le plus grand événement de ce temps… Quel malheur que Taine soit mort ! Comme il eût aimé cela ! » Il ajouta : « Ç’a été dur !… Maintenant, Dieu merci, c’est fait !… » Sur le Bel Ami, nous trouvâmes M. Jacques Normand, M. Henry Baüer, M. Valentin Simond, alors directeur de L’Écho de Paris, et ce bon docteur Cazalis, qui songeait déjà à guérir les rhumatismes aixois par la méthode préraphaélite… Le déjeuner fut morne, morne… Maupassant ne disait pas un mot… Il était si affreusement triste, il nous regardait avec des regards si étranges, si étrangement lointains, que je ne