Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/43

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— Encore quatre heures de ce train-là, Brossette… et nous sommes à Bordeaux. Nous courons vers l’ouest, mon ami… nous y courons, comme l’avenir…

Mais Brossette hocha la tête :

— Comme monsieur se tourmente, fit-il… Puisque je dis à monsieur !… Ces routes-là… j’irais les yeux fermés… Monsieur me connaît…

— La carte, Brossette… voyez la carte !

— Ah ! la carte !

Et, jetant sur le trottoir le dernier bidon d’essence vidé, il haussa les épaules, dans un mouvement de souverain mépris… Puis il se toucha le front.

— La carte ! répéta-t-il… la voilà la carte… le Taride… l’État-major… c’est là !…

Nous repartîmes… J’étais résigné à tout, même à franchir l’Atlantique, au besoin, si telle était la fantaisie de mon ami Brossette.

Une heure après, à l’entrée d’un village, nous stoppions, le long d’un grand mur, au milieu duquel s’ouvrait une porte, peinte en gris et armée de lourdes traverses de fer… Au-dessus de la porte, était écrit, en lettres noires presque effacées, et surmonté d’une croix de pierre, ce mot : Asile. Brossette était vivement descendu de la voiture, et sonnait à la porte…

— Que monsieur ne s’inquiète pas !… Je reviens tout de suite…

J’étais tellement stupéfait que je ne pensai pas à lui demander d’explications… D’ailleurs, la porte aussitôt ouverte, Brossette avait disparu…

Quel asile ?… Pourquoi cet asile ?… qu’allait-il faire en cet asile ?… Est-ce que mon mécanicien était devenu subitement fou ?

Par l’entrebâillement de la porte, j’aperçus des jardins et, au fond, une grande maison toute blanche… Des