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LA 628-E8

Et l’on ne s’étonne plus que son cerveau ait pesé si lourd et qu’il soit mort d’une hypertrophie du cœur.

L’Académie n’a pas voulu de Balzac.

M. Dupin disait à Victor Hugo :

— Comment ? Balzac, d’emblée, à l’Académie ? Vous n’avez pas réfléchi… Est-ce que cela se peut ?… Mais c’est que vous ne pensez pas à une chose : il le mérite.

Il le méritait ; et aux yeux de MM. de Barante, Salvandy, Vitet, de Noailles, de Ségur, Saint-Aulaire, Lebrun, Patin, Pongerville, Villemain, Tissot, Scribe, Viennet, etc., c’était, en effet, impardonnable.

Mais le méritait-il vraiment ? Comment, en quelque sorte, légitimer une telle œuvre, si subversive, si dissolvante, si immorale ? Comment couvrir de ce respectable habit vert un homme qui, monarchiste, catholique, mais emporté par la puissance de la vérité au-delà de ses propres convictions, bouleversait si audacieusement l’organisation politique, économique, administrative de notre pays, étalait toutes les plaies sociales, mettait à nu tous les mensonges, toutes les violences, toutes les corruptions des classes dirigeantes, et, plus que n’importe quel révolutionnaire, déchaînait dans les âmes « les horreurs de la révolution » ? Est-ce que cela se pouvait ?

Et puis encore, Balzac avait mauvaise réputation. Il n’administrait pas son nom et son œuvre en bon père de famille. Ce n’était même pas un bohème, — et l’on sait qu’un bohème est inacadémisable, — c’était quelque chose de bien pis.

L’Académie admet qu’on soit ivrogne, débauché, voleur, parricide, athée, et même qu’on ait du génie,