détresse ; il en oublie jusqu’aux affreuses douleurs qui lui écartèlent les os de la poitrine. Elle et lui, elle, la Line, la Linette, et le cher Minou, lui, le bon, le grand, le sublime Noré, ils touchent enfin au bonheur si longtemps attendu… Ils auront un palais, comme des rois, vivront dans un merveilleux décor d’art, de fêtes, de domination ; ils verront Paris, l’univers à leurs pieds. Est-ce pour quelques misérables cent mille francs qu’il va ralentir, arrêter l’essor de son génie, renoncer à ses magnifiques créations, voler à l’amour qui s’y exalte, voler au monde qui s’en éblouit, une gloire dont il se sent tout rempli, mais à qui il faut donner à manger de l’argent, de l’argent encore, et toujours de l’argent ?
La femme de Balzac.
Et me voici au drame le plus et aussi le moins connu de la vie de Balzac : son mariage. Bien que nous soient encore obscurs certains épisodes de cet extraordinaire roman d’amour qui fut, en même temps que la méprise de deux cœurs trop littéraires, la chute finale de deux ambitions pareillement déçues, j’y ajouterai, peut-être, quelques éclaircissements. Je m’empresse de dire à qui je les dois : au peintre Jean Gigoux, qui fut mêlé très intimement, aussi intimement que Balzac, à la vie de Mme Hanska. Pour authentifier certains faits graves dont un, au moins, de la plus grande horreur tragique, je n’ai, il est vrai, que des confidences parlées. Mais pourquoi voulez-vous que les confidences parlées soient moins véridiques que les confidences écrites ? Elles ont, au contraire, toutes chances de l’être davantage. Jean Gigoux était très vieux quand il me les fit,