Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/499

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— Encore ! encore !… Dites encore !

Ces façons sont inconnues de la femme allemande. Chez elle, on sent que la culture n’est pas une chose exceptionnelle, ni de métier, qu’elle n’est pas une aventure, une religion, et – qu’on me permette ce mot peu galant – une blague. La femme allemande ne cherche pas à nous étonner, à nous éblouir ; elle cherche à s’instruire un peu plus, à comprendre un peu plus, au contact des autres. Elle a de la sincérité, du naturel, de la passion, de l’intelligence, – ce qui est une grande séduction, – et, comme elle appartient à une race, douée au plus haut point de l’esprit critique, il arrive que, sans le vouloir, elle nous embarrasse souvent, jusque dans les choses que nous croyons le mieux connaître. Ce que j’apprécie surtout, en Allemagne, ce que je considère comme la plus précieuse de toutes les élégances féminines, c’est que la femme la plus solidement instruite sait rester femme, n’être jamais pédante. Ses devoirs d’épouse, de mère, de maîtresse de maison, ne l’humilient pas, ne lui causent ni gêne, ni ennui, ni dégoût. Elle les concilie très bien avec ses désirs, sa passion de culture intellectuelle. J’ai même remarqué qu’elle met à remplir ses devoirs plus d’honnêteté, de rigueur, plus de joie, parce qu’elle en comprend mieux le sens supérieur ; plus de grâce aussi, parce qu’elle en sent davantage la beauté pénétrante et forte. Je n’ai jamais aussi bien compris qu’une femme intelligente, qui sait être intelligente, n’est jamais laide. Et je crois bien que c’est ici que j’ai contracté cette sorte de haine, ou de pitié, je ne sais, pour la très belle femme qui s’obstine à ne vouloir nous charmer que par sa beauté inutile, et par ses robes de Doucet, et par ses chapeaux de Reboux.

Cette soirée, dans cette maison, nous fut un délice.