Page:Octave Mirbeau - La 628-E8 - Fasquelle 1907.djvu/77

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l’entouraient de prévenances, lui envoyaient des fleurs, lui jouaient de la musique de M. Gevaert… Et voilà qu’au bout de très peu de temps, écœuré de la rue Montagne-de-la-Cour, du bois de la Cambre, n’en pouvant plus d’ennui et de dégoût, le pauvre diable finit par se brûler ce qui lui restait de cervelle… Celui-là aussi !… Alors qui ?

Je ne crois pas qu’il existe, aujourd’hui, dans n’importe quel pays, à Aurillac et au Puy, pas même à Briançon, de caissiers assez dépourvus pour prendre leur retraite à Bruxelles. À preuve cette confidence, émouvante et douloureuse, que me fit, un soir, un honorable préposé à la caisse d’un grand établissement de crédit français :

— Plusieurs fois, monsieur, m’avoua ce sage, j’ai songé à me sauver avec la caisse… Que voulez-vous ?… J’ai trop de famille, et pas assez d’appointements… Je n’arrive pas… je n’arrive pas à nouer les deux bouts… Ah ! cela m’était bien facile, je vous assure… Du samedi soir au lundi matin… j’avais tout le temps, vous comprenez !… Mais je me suis dit : « Il va falloir vivre à Bruxelles désormais… Ma foi, non… J’aime mieux rester honnête homme. »

Et il soupira profondément…



Malgré toute ma bonne volonté – car il est bien évident, n’est-ce pas, que je suis sans parti pris, touchant Bruxelles, – il m’est impossible de trouver à ces rangées de petits hôtels et à ces parcs minuscules, de caractère. Ils ne paraissent faits que pour démontrer que Londres est une belle ville unique. De ci, de là, des constructions neuves, de larges voies moroses, où le Roi