Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/128

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qui a été la cause première de tout cela… Elle vous a aliéné bien des gens… et elle sert admirablement la cause de nos ennemis… Vous n’avez jamais voulu me croire… Tout le monde est mécontent… Tout le monde se plaint… La semaine dernière les sangliers ont retourné tout un champ… J’ai vu, il y a quinze jours, la grande pièce de maître Alix… Elle est tellement rongée par les lapins, tellement piétinée par les cerfs, qu’on n’y reconnaît plus la moindre trace de blé… Et vous ne faites rien… Et vous ne voulez rien faire !…

Le visage du marquis s’était subitement rembruni :

— Ah ! ils m’embêtent… s’écria-t-il. Comment ?… Je leur ai donné le droit de pâture sur les bruyères de Brigemont !… Je ferme les yeux quand ils mènent leurs bestiaux, l’été, aux marais de Villecourt !… Qu’est-ce qu’ils veulent encore ?…

Sa voix était devenue tranchante, irritée :

— Avec ça qu’ils le traitent bien, mon gibier ! De sales braconniers, tous !… Je te défends de me parler de ça !…

Il se leva, marcha dans la pièce en grondant comme un fauve… Le docteur s’était tu… Le curé du bout des doigts piquait quelques merises dans son verre…

— Comme vous voudrez !… reprit M. Lerond, après un silence gênant… Je voulais encore vous