Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/139

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Pourtant il n’y avait en lui aucune colère, aucune haine… Mollement, sans conviction, il reprit :

— Voyons, Flamant ?… Tu sais ce qu’on dit partout ?

Celui-ci riposta, en haussant légèrement les épaules :

— Je m’en fous, monsieur le marquis… Chacun s’arrange à sa façon… ça ne regarde personne, n’est-ce pas ?… Et ce qu’on dit… c’est des paroles… rien de plus !…

— Pourtant… réfléchis… c’est très grave !

Alors le braconnier avança d’un pas, étendit la main, comme pour un serment :

— Tenez… monsieur le marquis… déclara-t-il… vous avez fait pour Flamant une chose qu’est pas ordinaire, oh ! je le sais ! Eh, bon Dieu de bon Dieu ! jamais Flamant n’oubliera ça… Vous pouvez me demander mon sang… il est à vous ! Mais si vous exigez que Victoire parte d’avec moi… j’aime mieux vous le dire tout de suite… il n’y a rien de fait.

Et il appela :

— Victoire !… Victoire !… Hé ! Victoire…

Puis se retournant vers le marquis :

— Elle va venir… Je ne lui ai rien dit, n’est-ce pas ?… Eh bien, parlez-lui… Elle est comme moi…

À la voix de son père, Victoire accourut. J’étais impatient de la connaître. Depuis notre