Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/148

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les principaux centres de la circonscription électorale. Le marquis ne se trompait pas dans ses calculs, et il était évident qu’il avait toutes les chances d’être élu. Même dans les quelques villages où il redoutait une minorité, on sentait très bien que ce qu’il appelait ses ennemis ne lui étaient pas sérieusement, pas sentimentalement hostiles, et que, pris dans l’engrenage des petits intérêts, des petites nécessités locales, ils eussent bien voulu s’en arracher et marcher pour lui, avec lui ! Partout il jouissait d’une grande popularité, due bien plus à la séduction de ses qualités personnelles, à sa parfaite connaissance des milieux, qu’à des services rendus et à des promesses. Les promesses, qui sont pourtant la grande force des candidats, et qui s’adressent à la source même de la vie : l’espérance, je remarquai qu’il en était sobre. À l’encontre des autres, il ne promettait qu’à bon escient ; avec une véritable crânerie, il savait même refuser des choses dont il pensait qu’il ne pourrait pas les obtenir… Si, plus tard, il les obtenait, la surprise en augmentait le prix et en doublait la reconnaissance.

Il me mit en rapport avec les divers agents chargés de maintenir, dans les divers pays, son influence et sa fortune, et qui tous, par leur propre situation, leur crédit moral, leur