Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/19

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cérémonie… Il déclara au suisse : « Je n’ai besoin de personne, mon brave… J’ai des coudes, sacré mâtin… j’ai des coudes !… » Pour sûr qu’il en a, des coudes… D’abord, il a de tout !…

Elle reprit haleine, et elle dit :

— Tout de même, il était un peu braque, le vieux !… Et serré, serré !… Dame !… il n’était pas riche, non plus, comme M. Arnold !… S’en faut !…

Inscrivant une sorte de parenthèse dans son récit, elle commenta :

— Oui… les uns l’appellent « monsieur Arnold… », les autres « monsieur le marquis… » Ça dépend… vous comprenez ?… Nous, Berget et moi… nous l’appelons tantôt « monsieur le marquis », tantôt « monsieur Arnold »… L’habitude, dites !… Et aussi… parce que c’est l’enfant du pays !…

Je n’étais pas assez naïf pour croire que je tirerais de cette femme stupide et loquace des renseignements précieux sur la vie intime, le caractère secret du marquis d’Amblezy-Serac. Pourtant, elle m’avait fourni deux ou trois traits amusants, et elle résumait l’opinion qu’on avait de lui, dans la contrée ; document négatif, en soi, que je devrais soumettre à un plus sévère contrôle, mais qui, néanmoins, m’était utile. Du reste, en dehors de toute curiosité, j’avais besoin, dans l’état d’inquiétude où