Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/220

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remonta d’un geste sec son fusil sur l’épaule, descendit le coteau, en se retenant aux branches flexibles des taillis, et disparut dans le bois. Et dans cet être hideux et superbe, dans ce monstre aux traits violents, aux allures hommasses, il y avait une souplesse, je ne sais quoi dans l’inflexion de la nuque, dans la tombée des épaules où quelque chose de la grâce de la femme subsistait.

Durant une minute, nous l’entendîmes qui descendait la côte et sifflait son chien : un sifflet strident, des roulades aigres qui semblaient donner au feuillage des hêtres et des bouleaux des frissons d’effroi.

Nous nous assîmes dans l’herbe, au pied d’un arbre, et nous restâmes quelques instants silencieux. Je me demandais qui était cette femme, d’où elle venait, où elle allait, pourquoi elle était ainsi. Et, déjà, mon imagination entrevoyait un romanesque violent, quand le peintre X… me dit, l’air tout songeur :

— Hein ?… Posséder cette femme dans ce paysage… avec ces odeurs de menthe et de sauge… quelle sensation ! Quel tableau !… Je reviendrai par ici… Et quelle ligne !… Et l’accent de ça !… Nom d’un chien !…

Il s’enthousiasmait, malgré mes railleries :

— Parbleu ! dans une chambre, avec des tentures, des tapis, des lumières roses, des meubles laqués… ce serait effroyable !… Mais ici,