Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/247

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— Précisément, cher cœur adoré… Il n’y a rien de si émouvant que les choses tristes, rien qui s’apparie mieux à l’amour !… Moi, c’est un autre genre de tristesse que les ports évoquent en mon âme… Mais, puisqu’ils nous causent, à tous deux, de la tristesse, c’est donc que nous allons éprouver des sensations puissantes… qui sont de la joie, ma chère Clotilde !

Enveloppée d’une robe de chambre fleurie de rubans et mousseuse de dentelles, elle était étendue sur une chaise longue… La figure grave, le front serré d’un pli que je n’aimais pas… elle poussait un soupir, se remettait à polir ses ongles et ne répondait pas… De temps en temps une femme de chambre entrait, son ouvrage à la main, demandait des explications que Clotilde lui donnait brièvement, d’une voix souvent irritée. J’étais gêné et stupide. Je cherchais des distractions géniales, des plaisirs inconnus… Et je ne trouvais rien, ayant tout épuisé et sentant que je ne pouvais pas recréer la nature et la vie à l’image des désirs vagues de Clotilde. Et ce silence absurde, accablant, qu’elle aimait à prolonger, pour jouir de ma gêne, m’était infiniment cruel et insupportable !…

Au bout de quelques minutes, durant lesquelles je passais par tous les genres de supplices où peut vous mettre le caprice extra-humain d’une femme :