Page:Octave Mirbeau Un gentilhomme 1920.djvu/82

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À ce mot de « monsieur » tout court, le marquis cligna vers moi un regard, non pas offensé, certes, mais un peu étonné… Je compris à ce regard qu’il entendait que je lui donnasse son titre, comme les autres domestiques… Il me demanda ensuite si nous étions bien d’accord sur les conditions de mon entrée chez lui, ajoutant qu’il était à ma disposition si je désirais une avance. J’eus la fierté imbécile de ne pas vouloir étaler ma misère devant cet homme trop riche, et je le remerciai… Il se frotta les mains — un geste qui me parut lui être familier,  — et il dit encore :

— Eh bien… pendant que je finis de m’habiller… je vais vous faire montrer votre chambre… Et vous reviendrez me trouver ici, n’est-ce pas ?… à tout à l’heure, mon cher…

— Oui, monsieur le marquis…

J’appuyais un peu lourdement, sur ce dernier mot afin de bien prouver au marquis que j’avais compris la leçon et que je l’acceptais… Que m’importait, après tout, de servir cette manie ? Est-ce que ma dignité s’y trouvait engagée ?… Il eut un léger sourire d’assentiment, un léger hochement de tête approbateur… Après quoi, ayant sonné, il me remit aux mains du domestique.

Ma chambre, tendue de cretonne à fleurettes roses, meublée de meubles de pitchpin, me plut. Elle était confortable et jolie ; un cabinet