Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/232

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resserre. On peut juger, par ce que sentait Rousseau, qu'il ne voyait rien dans la nature avec indifférence ; cependant tout ne l'interessait pas également. Il préférait les ruisseaux aux rivières ; il n'aimait pas la vue de la mer, qui inspire, disait-il, trop de mélancolie. De toutes les saisons, il n'aimait que le printemps. Quand, disait-il, les jours commencent à décroître, l'été est fini pour moi ; mon imagination me représente l'hiver. Vous avez fait, lui disais-je, votre année bien courte, les beaux paysages de la Suisse vous ont gâté ; si vous aviez vu les longs hivers de la Russie, vous trouveriez les nôtres supportables. La nature, reprenait-il, est une belle femme, gaie, triste, mélancolique, qui ne m'intéresse pas toujours. Au reste, il n'y avait personne qui en tirât plus de jouissances, et il n'y avait pas une plante où il ne trouvât de la grâce et de la beauté. Mais novembre et décembre ne plaisaient qu'à sa raison.

Il avait la voix juste, et il disait que la musique lui était aussi nécessaire que le pain ; mais quand il voulait chanter en s'accompagnant